« Veuillez excuser notre fille, elle est très turbulente, il est dur de la garder en place... »
« N'hésitez pas à lui donner une petite correction, si elle dépasse les limites une fois de plus. » Le père Cheshire lança un regard noir à sa fille tout en prononçant ces mots. Il avait été convoqué en compagnie de sa femme et de sa fille dans le bureau du psychologue de cette dernière. Une fois de plus, elle avait agressé son médecin, en le mordant alors qu'il essayait d'enlever d'autour de son cou une couronne de fleurs qu'elle avait chipé on ne sait où. Elle les agressait souvent verbalement, ces pauvres docteurs, mais voilà la première fois qu'elle s'en prenait aux mains (ou plutôt aux dents). On pouvait bien lire dans le regard du psychologue qu'il n'y aurait plus de « prochaine fois » il devait avoir eu sa dose de Victoria Cheshire pour la décennie.

Miss Cheshire avait à peine douze ans et pouvait collectionner ses psy's sur les doigts d'une main. Selon ses parents, cette petite rousse trop agitée, se battant tout le temps avec les garçons et arrachant les têtes de ses poupées devait avoir un grand mal-être intérieur pour exercer de telles violences à un si jeune âge. C'est pourquoi à partir de l'age de neuf ans, ils décidèrent de lui faire consulter son premier psychologue. Pas n'importe lequel évidemment, les parents Cheshire choisirent le plus demandé de la ville. Le prix en était donc conséquent. Cependant, Victoria en faisait toujours qu'à sa tête. Elle décida dans un premier temps de faire la muette, cela ne marcha pas, et les questions complètement idiotes du psychologue telle que « De quoi avez-vous rêvé cette nuit? » persistaient toujours. Alors, Victoria commença à répondre à ces questions par d'autres questions elle aussi.
« Et vous de quoi avez-vous rêvé monsieur...Wartz ? » Avait-elle demandé à son tour tout en se penchant sur la petite plaque en métal où était gravé le nom du psychologue. Dr. Wartz passa alors à une autre question, après s'être contenté de dire « Nous ne sommes pas ici pour parler de moi, mais de vous. ». Après plusieurs séances de refus catégorique de répondre, la rouquine commença enfin à capituler. Dire sa couleur préférer, raconter ses rêves et ce qu'on a fait dans la journée n'était pas si compliqué, finit-elle par se dire. Plus vite je réponds à toutes ses questions, plus vite ce sera fini.

Pourtant, de pires questions restaient à venir. C'était le genre de questions qui obligeait Victoria à se résonner, à réfléchir à son comportement, chose qu'elle déteste et a toujours détesté.
« Maintenant, Victoria, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes toujours en train de vous battre, ou dans une situation violente ? »
Le rouge aux joues, elle ne put s'empêcher de répondre : « Et vous, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes si chiant ? »
Ce jour là, Dr. Wratz parla de la conduite insolente de Victoria à ses parents, ils décidèrent de changer de psychologue. Et de psychologue en psychologue, la rouquine ne trouva jamais sa « paix intérieur » comme le disait si souvent sa mère.

Avec un caractère comme cela, vivre dans une famille d'aristocrates n'avait pas toujours été facile pour la cadette Cheshire. Souvent comparée à sa sœur n'ayant quasiment aucun écart de conduite et qui incarne la douceur et la gentillesse, Victoria se sentit généralement comme le vilain petit canard de la maison, mais ce sentiment passa rapidement en même temps que l'adolescence.

Après avoir pendant de plusieurs années contesté l'autorité de ses parents et faire les quatre cents coups là ou cela lui chantait, Victoria ne s'assagit pas mais apprit à canaliser son énergie en face de ses parents et de la haute société. C'était une torture parfois, de ne pas pouvoir jeter son verre à la figure de ces potiches et de tous ces coureurs de jupons. A force de tellement se canaliser, Victoria pouvait paraître comme une femme froide et indifférente au premier abord, alors qu'au fond, il n'y a qu'un volcan ensommeillé.

La rentrée approchait dans ce nouvel établissement où Victoria y entrait avec un an de retard, du à son année sabbatique au Pérou. Un voyage que la rouquine avait mis plusieurs mois à négocier à cause de ses parents très réticents à l'idée qu'elle rate sa première année dans cette université siiiiiii prestigieuse et non pas à l'idée qu'elle se fasse dévorer par un troupeau de lamas sauvages. Là où elle allait se retrouver dans quelques jours, tout allait changer. On allait lui inculquer les bonnes manières, elle serait à disposition d'un majordome. La rouquine allait devoir faire un gros travail sur elle-même pour accepter une telle éducation, elle allait devoir continuer à canaliser ses mauvaises manières encore plus intensément.

Il restait seulement quatre jours avant la rentrée. Victoria était installée dans le coin fétiche de la bibliothèque de la ville, en compagnie d'un thé et de son chat Noisette. Cet endroit lui avait beaucoup manqué durant son voyage. Lorsqu'elle se décida enfin à relever les yeux, elle fut surprise de reconnaître les traits de son ancien psychologue, Dr. Wartz lisant juste en face d'elle. La rouquine le salua spontanément alors que le vieil homme mit un peu de temps pour la reconnaître.
« Ah mais oui ! Vous êtes cette petite sauvage que m'avait confié vos parents il y a de ça quelques années... » Un sourire taquin flottait sur le visage de l'homme qui venait de poser son ouvrage français sur la table. « Que devenez vous ? Vous l'avez trouvée, cette paix intérieur dont votre mère me parlait tant ? »
« Je vais plutôt bien. J'y ai réfléchis et vous savez au fond, je pense que n'avais aucun problèmes. J'étais juste jeune et un peu turbulente, mes parents n'arrivaient pas à comprendre et surtout à admettre que nous ne somme pas tous faits pour une vie d'aristocrate. Pour se rassurer, ils devaient s'imaginer que j'avais un trouble quelconque, mais ça n'était pas le cas, j'ai appris à me contrôler un temps soi peu depuis ! »
[...]